Loi Elan: le message des députés aux personnes handicapées

Par Elena Chamorro

Avec le vote de la Loi ELAN, les députés de ce pays ont envoyé un message très clair aux personnes handicapées :

Nous avons décidé  de la place que vous devez avoir dans cette société et cette place n’est pas parmi nous. Vous avez tout naturellement moins de droits. Nous décidons que vous ne serez  pas à égalité avec nous et nous décidons que vous avez droit à 10% cent de notre liberté (parce que, s’il est question de quelque chose dans cette histoire de Loi ELAN, c’est bien de liberté : de déplacement, de circulation, de choix de vie)… Nous revenons sur la loi de 2005 sur ce point et nous n’avons pas fini de la détruire. Nous avons fait du handicap la priorité de notre quinquennat.

Plusieurs députés ont utilisé l’argument  indécent  qui consiste à désigner l’accessibilité comme la  responsable de la crise du logement. Les  chambres des enfants seraient ainsi des cagibis parce que l’on construit des salles de bains de 10 m2 pour des personnes handicapées qui ne vivront jamais dans ces logements. Pour rappel, 5,50 m2 suffisent pour une salle de bains aux normes « handicapés ». Si les chambres dans les appartements sont petites, c’est parce que les promoteurs  ont gratté depuis des années sur les surfaces pour obtenir plus de bénéfices. C’est pour la même raison que nous, personnes handicapées, avons été « sacrifiées ». Nos députés ont accédé à cette vieille demande du lobby de la construction : revenir à 10% de logements accessibles de façon à leur permettre d’obtenir des  marges de bénéfice plus importantes. Je ne vais pas vanter les avantages de l’accessibilité universelle, parce que ce n’est pas le sujet et qu’il s’agit de nos droits et non pas du confort des valides, mais si’ un appartement est accessible à une personne handicapée, il sera de toute évidence très confortable pour les valides qui y habitent. Bref…

Chers amis handicapés du futur, tout comme notre génération à nous, pour vous, les fêtes en famille où l’on se réunit tous dans une maison, pour le week-end chez les uns ou les autres, se passeront sans vous, le week-end en Airbnb avec vos potes, ce sera sans vous. Chers étudiants  handicapés du futur, vous aurez, en plus de tout le reste, toujours la galère du logement quand vous voudrez partir étudier. Vous y renoncerez peut-être, d’ailleurs. Chers Erasmus handicapés, faites du benchmarking pour trouver des pays ( il y en a) où les législations seront plus respectueuses de vos droits. Chers futurs locataires handicapés, sachez que l’on on continuera de préférer un locataire valide à vous, d’autant plus qu’il faudra faire des travaux si l’on vous loue le logement et que les proprios ne vont pas être chauds pour vous autoriser à les faire (prévoyez aussi un budget de votre poche).

Les députés d’En Marche Arrière ont attaqué non seulement les principes de liberté et égalité. Ils sèment, (pouvait-on attendre autre chose d’un gouvernement ultralibéral ?) la mauvaise graine de l’insolidarité. Le discours qui rend l’accessibilité responsable de la crise du logement vise à diviser les précaires de cette société. : « Si moi, pauvre, j’accède pas à un logement  pas cher, c’est à cause de toi, pauvre et handicapé ! Puisqu’il faut choisir, je passe avant toi. Mais, t’inquiète. Je te filerai quelque sous pendant le Téléthon, comme m’a encouragé à le faire notre président Macron ».

Pour finir, j’ai envie de dire à tous ces gens qui ont bu les paroles de ces députés qui leur font croire que des droits pour tous « c’est trop » et  que l’on fait déjà trop pour les personnes handicapées que, bien que les journaux continuent à nous caser dans la rubrique « social » et « solidarité », nous sommes nombreux à participer à la solidarité nationale. Nous y participons tous d’ailleurs, d’une façon ou d’une autre. On vit en société, n’est-ce pas ? Personnellement, je travaille, en m’adaptant tous les jours à un milieu hostile, et paie des impôts pour les écoles de vos enfants, celles dont les enfants handicapés sont exclus, pour vos retraites, pour les soins, auxquels j’ai moins accès que vous, pour les médias et industries culturelles, bien peu accessibles aux personnes handicapées et je paie avec le même naturel pour mes concitoyens handicapés et/ou malades qui ne peuvent pas travailler et que j’espère voir un jour sortir de la pauvreté et de l’exclusion programmées. Le combat s’annonce long et rude mais nous sommes déterminés.