Visio-conférence entre Anasse Kazib et des militant·e·s anti-validisme dont Lény Marques, porte-parole du CLHEE.
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Le 16 février dernier, Anasse Kazib et Révolution Permanente ont échangé avec des militants en lutte contre le validisme. L’occasion de revenir sur une oppression et une lutte trop fréquemment dans l’angle mort des organisations révolutionnaires et, plus largement, de la gauche.
Le constat d’une extrême-gauche « pas à la hauteur » sur la question du handicap
La rencontre s’est ouverte sur un constat clair : celui d’une extrême-gauche encore peu mobilisée et au clair sur la question du validisme. « Tout au long de la campagne on a été fréquemment interpellés sur la question du validisme, et c’est pour ça qu’on avait envie de vous rencontrer aujourd’hui pour en discuter » a introduit Anasse Kazib, reconnaissant un « angle mort » sur le sujet.
Un constat peu surprenant pour les militantes et militants anti validisme présents, parmi lesquels Lény Marques, porte-parole du CLHEE (Collectif Lutte et Handicaps pour l’Egalité et l’Emancipation), et Odile Maurin, activiste anti-validisme, présidente d’Handi-social et élue municipale à Toulouse. « La gauche et l’extrême-gauche ne sont pas du tout à la hauteur sur les questions du handicap » note le premier, « la gauche a un discours sur le validisme qui n’est pas beaucoup mieux que la droite, voire parfois pire. On veut faire comprendre qu’il ne s’agit pas d’une question médicale, mais d’une question de droits fondamentaux » complète la seconde.
Un constat d’autant plus regrettable pour ces militants que la lutte contre le validisme s’inscrit dans la lutte contre le capitalisme. « Au CLHEE, on est profondément anticapitalistes parce qu’on considère qu’à partir du moment où un système fait des êtres humains des marchandises corvéables à merci, alors on peut exclure ceux qui ne sont pas à la hauteur. » explique ainsi Lény Marques.
Désintitutionnalisation et autonomie : deux enjeux fondamentaux
Revenant sur les enjeux centraux de la lutte contre le validisme, les militantes et militants présents ont commencé par insister sur la question de la « désinstitutionnalisation ». Cette notion désigne la volonté d’en finir avec les « institutions » spécialisées. « Les institutions sont des lieux de ségrégation et de privation de liberté » explique Lény Marques. Des lieux qui sont parfois plébiscités par les proches de personnes en situation de handicap, à l’image des IME, mais qui participent à l’exclusion des personnes handicapées, et sont critiqués à ce titre par des institutions telles que l’ONU.
Corollaire de la « désinstitutionnalisation », la nécessité d’offrir aux personnes en situation de handicap les moyens d’une véritable autonomie. « Il ne s’agit pas de dire, on ferme les institutions et point. Au contraire on a besoin de centres de vie autonome, et d’un accès à l’aide humaine pour toutes les personnes handicapées, à la hauteur de leurs besoins » explique Odile Maurin. « Cela implique de rendre le métier d’auxiliaire de vie attractif et de former massivement des psychomotriciennes et psychomotriciens, des orthophonistes, des ergo, des instructeurs en locomotion, des interprètes LSF, etc… » précise-t-elle.
Sur ce plan, Lény Marques témoigne aussi de la difficulté actuelle à accéder à de l’aide humaine, que les Maison Départementale des Personnes Handicapées accordent au compte-goutte, au terme de batailles éprouvantes pour les personnes handicapées. Idem pour les aides à l’école, largement insuffisantes en dépit des engagements de la loi de 2005 de permettre à chaque enfant et adulte l’accès à une compensation de son handicap. Une situation qui explique l’attrait des IME, perçus comme une solution pour certains parents, faute d’alternative offerte en France, mais cela alimentent finalement l’exclusion, notent d’ailleurs les militants interrogés sur ce sujet par Anasse Kazib.
Un échange passionnant sur la question du validisme
Autour de ces deux grandes thématiques, la rencontre aura permis d’échanger pendant 1h30 sur des questions diverses : scandale des ESAT, nécessité de distinguer « autonomie » et « dépendance », contournement par les entreprises des « quotas » de personnes handicapées, « reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé » qui pousse à recruter les personnes qui ont le moins besoin de compensation, monopolisation de la représentation des personnes handicapées par les « associations gestionnaires », déconjugalisation de l’AAH, recul sur l’accessibilité des transports et logements, …
Des questions aussi riches qu’intéressantes, qui soulignent les multiples ramifications de la question du validisme, et l’enjeu pour les organisations du mouvement ouvrier de s’en saisir. « Il y a 12 millions de personnes en situation de handicap en France. Quand on regarde ce qu’il se passe dans les ESAT, ce sont tout simplement des milliers de travailleurs qui ne sont jamais défendus par le mouvement ouvrier » ont pointé en ce sens les militantes et militants.
Ces derniers travaillent à un document programmatique qui revient sur l’ensemble de ces enjeux, avec un objectif : acculturer la gauche à la question du handicap et à la lutte contre le validisme.