Quand la CNSA rend l’aide humaine inhumaine

Par le CLHEE

En application de la loi du 11 février 2005, dite de l’égalité des chances, les personnes handicapées qui sont dépendantes ont le droit de bénéficier de la PCH (Prestation de Compensation du Handicap) pour financer des heures d’aide humaine effectuées par des auxiliaires de vie ou des aidants familiaux.

Les équipes pluridisciplinaires des MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) de chaque département sont chargées d’évaluer et d’attribuer ces heures suivant les besoins et le « projet de vie » de la personne concernée.

La CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie) est l’établissement public qui contribue en partie au financement de la PCH. Il est notamment censé veiller à une répartition équitable des ressources et apporter un appui technique pour favoriser l’harmonisation des pratiques.

Dans ce cadre, la CNSA a édité fin 2013, un document d’Appui aux pratiques des équipes pluridisciplinaires de MDPH – Guide PCH Aide humaine.

Ce guide, élaboré en secret par différents professionnels de nombreuses MDPH à la suite de rencontres de travail animées par la CNSA, se présente officiellement comme un outil de synthèse interne permettant d’assurer l’équité des traitements des demandes sur tout le territoire et de mettre un terme à la disparité des pratiques des MDPH en matière d’aide humaine.

En réalité, il propose pour chaque acte essentiel de la vie quotidienne (toilette, habillage, alimentation…) une décomposition de l’activité à réaliser et pour chaque geste des temps moyens, et des fréquences, qui s’inspirent d’une grille de minutage luxembourgeoise particulièrement défavorable.

A titre d’exemple, pour l’habillage, la durée moyenne pour mettre/ôter les vêtements du haut est fixée à 4 minutes à raison de 2 fois par jour.

S’agissant de l’élimination, il est indiqué 5 passages aux toilettes par jour. Cependant, les utilisateurs d’urinal ou de bassin ne pourront demander leur vidange que deux fois par jour (sic).

Pour la toilette, la fréquence des shampoings est fixée à 2 fois par semaine.

De plus, alors que les textes permettent aux personnes handicapées de choisir et de modifier leur type d’accompagnement (aidant familial, emploi direct, mandataire, prestataire), le guide pénalise dans certains cas ceux qui sont aidés par leur famille.

Les équipes des MDPH effectuent donc, depuis 2013, des évaluations sur la base de ce guide et de ces nouveaux indicateurs arbitraires qui ne tiennent aucun compte de la réalité et ne reposent sur aucun fondement légal.

La CNSA prétend que ce guide n’est qu’une suite de recommandations pour les équipes des MDPH qui n’a pas vocation à se substituer aux textes légaux et réglementaires.

Or, à supposer même que ce minutage soit purement indicatif, force est de constater que ces préconisations vont à l’encontre de la loi de 2005, qui implique des évaluations individualisées en fonction des besoins réels des personnes handicapées et de leur projet de vie.

De plus, le tableau Excel fourni avec le guide aux équipes pluridisciplinaires confirme que l’objectif est bien de systématiser les minutages proposés. Il prévoit même d’avertir par un message automatique tout évaluateur qui aurait l’idée saugrenue de sortir de ce cadre.

Les effets concrets de ce guide n’ont pas tardé à se faire sentir puisque certaines personnes handicapées ont constaté ces dernières années une diminution drastique du nombre de leurs heures d’aide humaine lors du renouvellement de leur dossier.

C’est d’ailleurs ce qui a permis aux militants associatifs de la CHA (Coordination Handicap et Autonomie), qui défendent le droit à la Vie Autonome, d’être alertés par des personnes concernées et de découvrir récemment l’existence de ce guide, puis de le dénoncer, dénonciation à laquelle nous nous associons.

Il ne fait en effet aucun doute que ce guide consacre une déshumanisation aberrante des pratiques des MDPH. Son unique objectif est de niveler par le bas les plans de compensation en aide humaine et de faire des économies sur les dos des personnes handicapées qui en dépendent. Il constitue une maltraitance institutionnelle et une atteinte à la dignité des personnes handicapées parfaitement inacceptables.

Nous exigeons par conséquent de la CNSA qui, comble de l’ironie, organise cette semaine, les 12 et 13 décembre, des rencontres scientifiques sur le thème : « Autonomie et qualité de vie : entre pratiques et aspirations » qu’elle s’engage officiellement et publiquement à renoncer à l’utilisation de ce guide dans le cadre des évaluations en aide humaine effectuées par les MDPH.

gifcnsa