Par Elena Chamorro, membre du CLHEE, article de décembre 2014
Le Comité des Droits des Personnes Handicapées de l’ONU a récemment désavoué le Téléthon mexicain parce que les personnes handicapées y sont présentées comme destinataires d’actions charitables et non comme titulaires de droits. Qu’en est-il de tout cela en France, pays qui se gargarise d’être si laïque, d’être la patrie des Droits de l’Homme ? Est-ce que les personnes malades et handicapées sont en France, avant tout, sujet de droits ?
En France, le Téléthon est un événement on ne peut plus populaire. Très plébiscité, il a même reçu l’agrément du Ministère de l’Education Nationale (oui, celui-là même qui résiste à scolariser des enfants handicapées). L’Education Nationale reconnaît l’utilité des actions pédagogiques du Téléthon dans le domaine du handicap et de la citoyenneté.
De la citoyenneté, disent-ils ? Moi, je n’y vois qu’une méga opération à l’esprit très catho que, peut-être par manque de culture religieuse, beaucoup de Français élevés dans l’école de la République ne parviennent pas à décrypter.
Bien que l’Eglise désapprouve le tri embryonnaire et les recherches sur les cellules souches financés par le Téléthon, c’est bien une vision chrétienne de la maladie et, par extension, du handicap que celui-ci relaie.
Les Pères du Concile Vatican II l’avaient rappelé dans leur Message aux pauvres, aux malades, à tous ceux qui souffrent: «Vous n’êtes ni abandonnés ni inutiles : vous êtes les appelés du Christ, sa transparente image».
A l’égal du Christ, cloués sur nos fauteuils (notre croix à nous), nous symbolisons le malheur et la souffrance et nous sommes très gentils, peut-être parce que nous participons de la sainteté du Fils de Dieu. Notre salut, nous le cherchons dans la guérison mais, petit hic, Jésus n’est plus là pour faire des miracles !
Le Téléthon, lui, est bien là.
« En attendant la guérison, l’AFM-Téléthon développe des actions et solutions innovantes pour répondre aux besoins des malades » (Vous aurez noté le clin d’oeil du Téléthon à la foi et à l’espérance, en l’occurrence foi et espérance dans la guérison).
En prime, le Téléthon est là aussi pour ses « fidèles » spectateurs, auxquels il donne l’opportunité d’expier leurs péchés, de faire leur B.A. à travers cette oeuvre de miséricorde à grande échelle. Oui, soigner les malades fait partie des sept œuvres de miséricorde corporelle dont tout chrétien doit s’acquitter s’il veut laver bien comme il faut ses péchés. Le pardon ne suffit pas pour laver bien comme il faut ses péchés : il faut aussi des œuvres pieuses, des dons charitables ! Dans l’univers Téléthon, pour faire laïque, ils appellent ça solidarité, mais, vous l’aurez compris, ce sont les ressorts de la charité chrétienne qui sont « à l’oeuvre » dans cette affaire.
Foi et espérance pour les uns, charité pour les autres, les vertus théologales qui doivent guider la relation du bon chrétien au monde et à Dieu. Tout y est …
Tout sauf que bon nombre d’entre nous, personnes malades et handicapées, ne vivons pas «en attendant » la guérison mais, en attendant, nous vivons, privées de nos droits fondamentaux.
Et nous ne nous résignons pas (la résignation, ce n’est pas dans notre culture) à être cantonnées dans ce rôle d’objet de charité que, par le biais d’une chaîne publique de télévision, le Téléthon nourrit, nuisant à la perception de nos personnes en tant que titulaires de droits et encourageant l’Etat à se dédouaner de sa responsabilité et de son nécessaire engagement en la matière.