La rapporteuse spéciale des nations unies sur les droits des personnes handicapées a récemment rendu un rapport intitulé « Mettre fin à la privation de liberté fondée sur le handicap. »
Un rapport court, clair, qui ne fait pas un pli et nous allons essayer de revenir sur les points qui nous semblent importants.
Le rapport explique au préalable que les personnes handicapées subissent des situations de privations de liberté « classiques » où elles sont surreprésentées.
Ainsi, les personnes handicapées sont, par exemple, particulièrement nombreuses en prisons ou en centres de détention pour migrants pour les adultes, et dans les orphelinats, les foyers, les établissements de protection de l’enfance pour les enfants.
Ce rapport s’attache néanmoins à examiner et à dénoncer les situations de privations de liberté qu’il qualifie de « propres au handicap » et aux personnes handicapées.
1/ L’institutionnalisation est une privation de liberté
Le rapport l’affirme sans ambiguïté dès le point n°17 et à plusieurs reprises. Les placements institution, tout comme les hospitalisations non consenties dans un service de santé mentale, y compris avec le consentement d’un tiers chargé de prendre les décisions à sa place, constituent bien une privation de liberté.
Comme d’autres privations de liberté, l’institutionnalisation a été « normalisée » par de nombreuses législations nationales mais aussi parfois par des textes internationaux.
Pourtant, la rapporteuse spéciale indique que cette privation de liberté viole plusieurs dispositions de la Convention des Nations Unies relative au droit des personnes handicapées (CIDPH).
Elle viole d’abord le droit à la liberté et à la sécurité des personnes (article 14 de la CIDPH) qui prévoit une interdiction absolue de la privation de liberté fondée sur le handicap.
Elle viole ensuite le droit de vivre de façon autonome dans la société (article 19 de la CIDPH)
Elle viole enfin le droit au respect du domicile et de la famille (article 23 de la CIDPH) concernant notamment les enfants placés dans des structures éloignées de leur famille.
2/ L’institutionnalisation ne protège pas, elle créé le danger
Le rapport insiste également sur le fait que les personnes handicapées ainsi privées de liberté se retrouvent dans des situations d’extrême vulnérabilité qui les exposent à toutes sortes de violences et de mauvais traitements.
Et ce d’autant plus que la surveillance des lieux en cause et de leurs pratiques est faible puisqu’il est admis que leur mise en place part « d’une bonne intention. »
Il précise, en outre, concernant les enfants, qu’il est établi que leur placement en établissements a des effets néfastes sur leur développement.
L’idée d’une vulnérabilité accrue et « construite socialement » par ce système est donc accréditée par la rapporteuse spéciale.
3/ Les justifications au soutien de l’institutionnalisation sont fallacieuses
Le rapport conteste les arguments traditionnellement mis en avant pour justifier les placements en institution.
L’argument selon lequel les soins, la protection contre les violences, la prise en charge seraient meilleurs dans ces établissements est fermement contesté.
Il cache selon le rapport les véritables causes de ces privations de liberté, à savoir : la carence des Etats, qui ne donnent pas aux personnes concernées les moyens de vivre de façon indépendante au sein de la communauté et d’avoir accès à tout sans exclusion et discrimination.
Le rapport rappelle que les Etats ont l’obligation de protéger le droit à la liberté et à la sécurité des personnes handicapées contre les atteintes des tiers.
Or… Cette obligation ne doit pas les conduire à faciliter les placements en institutions mais, au contraire, à les protéger contre la détention dans des établissements et structures gérés par des acteurs privés.
Coucou à nos associations gestionnaires nationales préférées, dans ce paragraphe c’est bien ce genre de « tiers » dont il est question.
La rapporteuse demande donc (encore une fois) aux Etats « d’éliminer toutes les formes de placement en institution » et de mettre en place « des modalités claires de désinstitutionnalisation. »
Ce qui implique entre autres : un réexamen complet de leur législation, un plan d’action avec échéances précises.
Notons que le rapport prend le soin de préciser qu’il ne suffit pas de réduire la taille des établissements en cause.
Il semblerait que l’arnaque de l’Habitat « inclusif », « partagé », « innovant » ou whatever ne passe pas s’il s’agit d’une nouvelle forme d’institutionnalisation.
Les Etats doivent également mettre en place un appui de proximité pour que les personnes handicapées puissent choisir où et avec qui elles vivent et ne pas être obligées de vivre « selon des modalités particulières. »
Ils doivent enfin arrêter de financer des services qui privent des personnes de leur liberté en raison de leur handicap et qui apparaissent à la rapporteuse comme « une utilisation inutile et vaine » des ressources publiques.
Si nous nous sommes attachés ici plus spécifiquement à l’examen des placements en institution du type « médico-sociale », il faut souligner que sa réflexion englobe les placements forcés en établissements psychiatriques qui sont dénoncés avec la même force.
Tous les types de handicap sont évoqués par Madame Davendas et aucune situation ne justifie selon elle une quelconque privation de liberté sous quelque forme que ce soit.
Ce travail précieux nous donne des armes supplémentaires pour tenir nos positions dans un pays comme la France où ceux qui se battent contre l’institutionnalisation sont si peu soutenus, entendus, compris et où le déni et l’obscurantisme règnent en maîtres.
Nous encourageons fortement tout le monde, et notamment les responsables politiques à le lire…