Lettre ouverte à Caroline De Haas : Le validisme plus fort que le féminisme ?

Madame De Haas,

Vous vous êtes exprimée sur votre compte twitter pour réagir aux propos de Catherine Millet qui, le 12 janvier dernier, a affirmé sur France Inter qu’elle était trop âgée pour être agressée sexuellement.

Vous expliquez que les propos de Mme. Millet sont faux et dangereux. Faux parce que les femmes âgées et « non sexy » sont agressées et dangereux parce que de tels propos contribuent à ce que, lorsque ces femmes dénoncent les agressions subies, leur parole ne soit pas écoutée ou respectée.

Pour contredire les propos de C. Millet et démontrer qu’il n’y a aucun rapport entre le fait d’être sexy et le fait d’être agressée, vous avez jugé bon d’utiliser l’argument massue des femmes handicapées dont vous mentionnez (à raison) qu’elles sont particulièrement concernées par les violences sexuelles, tout en considérant cela étonnant, étant entendu qu’elles ne peuvent pas être considérées comme sexy…

  

Or, sous-entendre de la sorte, dans vos quatre premiers tweets, que les femmes handicapées ne seraient pas sexy, c’est-à-dire pas attirantes et pas désirables, est absurde, tout aussi faux que de dire que les femmes valides sont, elles, sexy.

L’affirmation selon laquelle une femme en raison de son handicap n’est pas désirable ou attirante, et incapable de susciter un quelconque intérêt sexuel, relève ni plus ni moins d’un préjugé validiste et il est également des plus dangereux.

En effet, d’une part, ce préjugé occulte la spécificité des violences faites aux femmes handicapées, comme ont essayé de vous le rappeler certains internautes qui ont réagi à vos propos.

Si les femmes handicapées sont plus vulnérables aux violences de toute sorte, y compris sexuelles, c’est parce que certaines d’entre elles se retrouvent souvent en situation de dépendance physique et/ou économique vis à vis de leurs conjoints, d’autres en institution, des situations qui les mettent plus en danger que la moyenne.

C’est également en raison d’une plus grande dévalorisation et d’un plus grand mépris de leurs personnes et de leurs corps. Les violences dont elles sont l’objet ne sont que l’expression directe de cette dévalorisation et de ce mépris, auquel malheureusement vous participez en nous prenant, nous femmes handicapées, comme exemple de femmes sur lesquelles ces violences seraient étonnantes et improbables.

Ce préjugé explique, d’autre part, qu’il soit plus difficile pour les femmes handicapées de prendre conscience et de dénoncer ces violences sexuelles, puisque qu’étant supposées asexuées et indésirables elles savent par avance, plus encore que les autres, qu’elles ne seront pas crues. Il est donc temps de cesser de le perpétuer pour que la parole des femmes handicapées puisse aussi se libérer.

Nous présenter tout simplement dès le départ, et non en conclusion, comme des femmes, sexuées, et de ce fait concernées par les violences et rendues plus vulnérables face à elles en raison du contexte et des préjugés dans lesquels la société nous contraint à évoluer, voilà qui aurait été plus juste et pertinent.

Bien à vous.

Les meufs du CLHEE

 

 

 

#Update

Aujourd’hui même, Madame Caroline De Hass a répondu à notre lettre via twitter : « Bonjour, vous avez entièrement raison. Je supprime mon thread. Merci pour l’alerte. »

Cette réponse rapide nous convient et nous espérons avoir un jour l’occasion de discuter avec elle.